Le brassage
Le brassage est à la bière ce que le Gallibier est au tour de France : l’étape emblématique. Et si le col a besoin de bons mollets, le brassage quant à lui met à rude épreuve vos bras chétifs. Car brasser c’est avant tout tourner une énorme cuillère dans une énorme casserole. Un exercice exquis qui vise à transformer l’amidon du grain en sucre.
- Bon, c’est pas le tout, mais il va falloir commencer à brasser !
- Hein ? Parce que jusqu’alors on parlait pas de brassage amateur peut-être ?
Oui, en effet, mais si le terme brassage désigne la fabrication de la bière, c’est aussi le nom d’une des étapes du processus, je dirais même que c’est l’une des plus importante. Sans entrer trop dans les détails techniques, c’est à ce moment que l’on va extraire l’amidon et les enzymes du malt, puis déclencher les réactions chimiques permettant aux enzymes de casser l’amidon d’une part en sucre simple fermentescible (glucose, fructose, saccharose, je t’en foutrais des roses…) qui donneront de l’alcool, et, d’autre part, en sucre simple non fermentescible (dextrine, je t’en foutrais de l’…) qui vont donner du goût, du corps et du moelleux à la bière.
Bon. Nous en étions resté à l’empâtage c’est à dire que nous avons plongé nos malts concassés dans une eau tiède à 50°C environ. Avant toute chose, sachez que pour chaque recette il faut suivre un schéma de brassage. Celui-ci indique le temps à respecter pour chaque palier de températures.
Voici un exemple de schéma de brassage :
Le premier palier de température correspond à l’empatâge, donc pour cet exemple, une fois que vous avez bien mélangé vos malts avec votre eau à 52°c vous couvrez votre casserole, laissez feu éteint, et laissez reposer 10 minutes. Un jeu d’enfant le brassage on vous dit !
Une fois les dix minutes écoulées, pour passer au palier de 62°c, rallumez votre feux (la plus grosse puissance disponible, je vous rappelle qu’il y a 20 L à faire chauffer quand même), ôtez le couvercle et mélangez votre brassin (d’où le terme de brassage). Le but n’est pas tant de touiller le malt et l’eau, mais surtout d’homogénéiser la température dans la casserole, c’est pour ça qu’il faut bien aller chercher ce qui se trouve au fond de la casserole, c’est là que ça chauffe. Surveillez votre température à l’aide d’un thermomètre alimentaire (pouvant aller jusqu’à 120°c, ça existe pour faire les confitures) et faite bien baigner la réserve de votre thermomètre vers le milieu de la casserole.
Dès que la température voulue est atteinte, coupez le feu, arrêtez de brasser, couvrez, et laissez reposer le temps indiqué, vous pouvez même ouvrir une petite BD pour patienter.
Le protocole opératoire est le même pour les paliers suivant. Ils sont généralement plus long. Plus la température est élevée plus on mets de temps pour gagner un degré supplémentaire.
Avant de passer au palier à 78°c – qui sert à détruire les enzymes responsables de la transformation de l’amidon en sucre – il est de bon ton de vérifier que vos petites enzymes ont bien fait leur boulot avant de les pendre haut et court. Pour ça il existe deux tests :
- La première méthode est le test à la teinture diode. Prenez un peu de votre mélange et mettez le sur une assiette blanche, ajoutez quelques gouttes de teinture d’iode (ça se trouve en pharmacie pour quelques euros) si la teinture reste orangé, la transformation de l’amidon en sucre est complètement terminé, vous pouvez passer au dernier palier de température. En revanche, si elle vire au bleu foncé-noir, c’est qu’il reste de l’amidon, laissez 10 minutes de plus au palier actuel (généralement entre 68 et 72°c) et refaites un essais. Ne remettez jamais le contenu de l’assiette du test dans votre brassin. La teinture d’iode, c’est toxique.
- La deuxième méthode est justement appelée test du carrelage. Pourquoi ? Parce qu’immanquablement un peu de liquide du brassin va subrepticement s’échapper de la casserole pour aller se répandre sur le sol. Et après quelques minutes, si votre carrelage poisse bien, c’est que votre brassin est plein de sucre ! Cette méthode fonctionne aussi très bien sur la moquette, mais c’est plus difficile à nettoyer.
Une fois votre palier à 78°c terminé, vous pourrez passer au filtrage et lavage des drêches, mais là encore c’est une autre histoire. Rendez-vous au prochain épisode, sur Bière à la Main.
Crédits photos : Benjamin Boccas