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— Bière à la main

Une femme de bière, Cécile Delorme-Thomas-Premier

Notre second entretien sur des hommes et des femmes de bière est consacré à Cécile Delorme-Thomas-Premier, la tenancière de la cave à bière Brewberry.

Interview du 03 mars 2013.


Si pour notre premier article consacré à  un personnage du monde de la bière, il semblait aller de soi que l’on parle de Simon, il apparaît être tout autant naturel que le second soit consacré à Cécile.

Cécile Delorme-Thomas-Premier est la gérante de la cave à bière nommée Brewberry et elle a eu, elle aussi, la gentillesse de nous accueillir pour une rencontre autour de son parcours, de son positionnement au sein de l’univers de la bière.

Le fruit du brassage.

On pourrait donner plusieurs traductions à ce nom curieux qu’est Brewberry, nom qui semble avoir été crée un peu par hasard. Nous retiendrons peut être celle-ci, « fruit du brassage », car c’est bien lui que l’on vient chercher auprès de Cécile et elle sait nous donner envie d’y goûter.
Ses produits elle les connaît, elle les connaît même très bien, elle peut vous décrire avec précision ses 450 références. Elle nous le dit, elle est exigeante dans sa sélection, elle veut pouvoir défendre les bières qu’elle vend.
Au fil de notre discussion, il apparaît clairement que pour Cécile la bière peut être présentée comme un produit de luxe. Elle en défend le glamour, la beauté, le panache et toute sa portée gastronomique.

C’est d’ailleurs grâce à elle que Bière à la main a pu participer au salon du livre culinaire organisé  au 104 en 2012 au côté de Brewberry. Nous y avons fait une démonstration de brassage pendant que Cécile et son équipe s’attelaient à la dure tâche de faire découvrir le plaisir gustatif et la noblesse des bonnes bières.

Cette fois-ci c’est autour d’une bière, offerte par ses soins, que nous nous retrouvons. Elle nous raconte sa rencontre avec ce pain liquide qui nous passionne tant.

Du cinéma au pain liquide.

Cécile prépare une licence de cinéma, un milieu qui semble passionnant et qui a tout pour séduire, elle a l’intention d’y devenir directrice de production. Puis elle effectue un stage de 6 mois et se confronte à la réalité de cette vie et à sa grande précarité. Pendant cette période, sa bière de prédilection est la Guinness.
Devant cette précarité, elle s’engage à l’Académie de la bière, un bar qui offre un large choix de bières majoritairement belges et tout aussi majoritairement industrielles. Cécile avoue qu’à cette période, elle ne connaît rien à la bière, elle nous dit commencer à en appréhender le goût alors qu’elle fait ses classes à l’Académie, encore une fois il faut savoir ce que l’on sert.

Puis Cécile se souvient, elle se souvient qu’en fait la bière belge elle l’a connu plus tôt, qu’en réalité son premier souvenir de bière qui a du goût remonte à cette Chimay dorée qu’elle a bu lorsqu’elle était dans le café tenu par sa grand-mère dans la petite ville de Rocroi, près de la frontière belge. Cela nous rappelle la magie des goûts, des saveurs et des odeurs dans leur lien étroit à notre mémoire. Sa première bière, on s’en souvient.

Cécile évolue au sein de l’Académie, se forme, développe son intérêt pour la bière, elle se professionnalise, mais n’est pas encore au fait de l’étendue de la culture internationale et même nationale de la bière. Elle devient entreprenante, grimpe des échelons, déjà veut organiser des événements autour de la bière, des dégustations ; elle prévoit une reprise de la gérance du lieu, puis l’idée de la création d’une cave à bière indépendante, à sa seule responsabilité, pointe son nez. Elle apparaît, nous dit-elle, deux ans avant la création effective de Brewberry.

Une nouvelle cave à bières en plein Paris.

Elle se met alors à chercher des lieux, elle en a visité une trentaine avant de tomber sur ce qui va devenir Brewberry au 18 rue du pot de fer.
Elle se met également à chercher des aides et se fait aider par l’IRFED, une association d’aide à la création d’entreprise par des femmes.

Le lieu se construit, se concrétise. Il devient cette cave à manger que l’on connaît, un endroit où on peut consommer sur place tout en mangeant un morceau ou simplement acheter sa bière avec l’intention d’un plaisir futur. Il y est également organisé régulièrement des dégustations, à l’image de ce qu’avait imaginé la gérante lorsqu’elle était encore une académicienne rêveuse.

D’après Cécile cela, fait un an et demi – deux ans maintenant que sa boutique à une réputation, une représentabilité. C’est au fil de la création de Brewberry que Cécile est devenue une véritable connaisseuse de la bière, peut être une zythologue, sortant des bières belges et des bières grandes distributions pour se tourner vers l’international et l’artisanal.
D’ailleurs le rayonnage au Brewberry, ou des brewberries si on se réfère à notre traduction, est organisé de manière à ce que les bières soient classées par nationalité et il apparaît très nettement, de part la spécificité architecturale du lieu, une frontière entre les bières belges et celles d’ailleurs. Peut-être une trace symbolique du parcours de Cécile dans son appréhension progressive de l’univers brassicole.

Une féminité bien assumée.

A la question un peu naïve, mais toujours très instructive, quelle est ta bière préférée ?
Cécile répond d’abord en évoquant sa « bière de retour », cette bière vers laquelle on va toujours lorsqu’on veut quelque chose que l’on connaît et que l’on apprécie, pour elle c’est la Westmalle Triple.
Ensuite elle nous parle de celle qui l’a marqué la Mexas ranger de Mikkeller.
Enfin elle se tourne vers celle qui a son affection, la Brewberry beer de Mikkeller, sa bière dédiée.

Puis à cette question presque inévitable, mais qui lorsque je la pose me fait un peu honte devant son caractère machiste, qu’est ce que ça fait d’être une femme dans le milieu de la bière ?
Cécile répond que pour elle cette féminité a toujours été un argument. Effectivement lorsqu’elle a fait son étude de marché avant son installation définitive Cécile s’est aperçue qu’il y avait peu de femmes gérantes de cave à bières et qu’elles étaient rarement seules dans leur entreprise et tout aussi rarement jeunes.
Elle semble apprécier que son aspect « jeune minette » tranche nettement avec l’image du tenancier gros et barbu. Cela lui permet de bousculer de par sa propre image ce stéréotype négatif d’une boisson limpide que l’on boit en grande quantité sans plaisir gustatif. Se faisant elle défend le raffinement de la bière, le fait que ce produit n’ait pas à rougir devant un bon vin et qu’il peut se déguster avec autant de plaisir. Elle insiste également sur les accords que l’on peut faire avec différents mets de qualités. L’exigence de Cécile quant aux bières qu’elle propose vient de sa recherche perpétuelle d’une grande qualité dans cette boisson.

D’ailleurs aux brasseurs amateurs Cécile donne ces deux conseils, particulièrement à ceux qui veulent se professionnaliser :

Cessez de penser qu’il y a un type de bière pour un type de personne.

Et

Chercher un faire un produit beau et bon suffit.

Du boulot et des projets plein la tête.

A la vue du parcours de Cécile, je me laisse impressionné, on sent qu’elle est habitée par un esprit d’entreprise. Lorsqu’elle accueille ses clients, elle leur donne des conseils avisés sur ses bières de grandes qualités et provenances hétéroclites, mais elle doit également s’occuper du service, car n’oublions pas qu’elle tient une cave à manger et que ça implique de servir.
Elle nous apprend également qu’elle est distributrice française de plusieurs brasseurs étrangers, une nécessité pour sortir de la belge et de la française nous dit Cécile. Tout cela en plus des différents événements organisés, des dégustations à planifier, des brasseurs à visiter et j’en passe, décidément nos cavistes abattent un travail considérable. Un peu à l’image de nos explorateurs qui sont toujours allés de plus en plus loin pour nous rapporter des trésors de territoires inconnus.
Mais ce n’est pas fini, Cécile nous dit avoir une volonté d’expansion et souhaite ouvrir un Brewberry n°2. Un endroit plus gros, un vrai bar-brasserie dans lequel viendrait se jouer une gamme d’accords bière-plat.

Devant cette folle énergie on ne peut que se sentir soulagé pour elle en sachant son mari Benoit fait maintenant partie de l’aventure.

A tous les deux on peut leur souhaiter une bonne suite dans leur entreprise,

et surtout,

 

Santé !

 




Où rencontrer Cécile ?

A Brewberry : 18 rue du pot de fer;

Métro : Place Monge

http://www.brewberry.fr/

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